Zhong Xu, CEO de Deliverect, nous raconte ce que les 4 quotients représentent pour lui.
Chez Van Breda The SQUARE, la plateforme de réseautage de la Banque Van Breda, nous croyons plus que jamais à la combinaison des 4 quotients. Ceux-ci s'avèrent donc essentiels dans le cadre des rencontres inspirantes qui vont se dérouler sur la plateforme The SQUARE. Il en sera de même lors de l'évènement du 22 mars 2022 au cours duquel Zhong Xu, CEO de Deliverect, interviendra en tant qu'orateur. Que signifient les 4 quotients pour lui ? En guise d'avant-goût, nous lui avons posé quatre questions par quotient.
Quotient Intellectuel (Rationnel)
Êtes-vous quelqu'un de rationnel ?
Zhong Xu:« Je ne suis pas une personne rationnelle de nature, mais plutôt quelqu'un d'intuitif qui se fie à son instinct. Si vous croyez vraiment en quelque chose, vous réussirez. Je n'ai aucun doute à ce sujet. Dommage que cette croyance soit limitée par des considérations rationnelles. Ne laissez pas vos pensées vous décourager. Ne vous imposez pas de limites. »
Un bon équilibre à cet égard n'est-il pas la clé du succès ?
Zhong Xu: « Absolument ! C'est exactement la raison pour laquelle je m'entoure de personnes de nature rationnelle dans le cadre de mon travail. C'est dans cette optique que mon partenaire en affaires Jan Hollez et moi-même nous sommes répartis les rôles. Il est le développeur de logiciel et génie technique rationnel, tandis que je suis le vendeur intuitif. Nous nous complétons, un peu comme le yin et le yang. D'où le succès de notre collaboration. »
Aimez-vous prendre des risques ? Quel est le plus grand risque que vous ayez jamais pris ?
Zhong Xu: « Lorsque Jan et moi-même avons fondé Posios en 2010, nous ne disposions pas de capital. Nous avons mis tous les deux notre maison en gage pour pouvoir emprunter un demi-million d'euros. Lorsque j'y repense, c'était extrêmement dangereux. Nous aurions très bien pu faire faillite. Mais nous aurions regretté de ne pas avoir essayé. En cas d'échec, nous en aurions assumé les conséquences.»
On dit que nous sommes tous de plus en plus intelligents. Les nouvelles générations pourraient même nous devancer un jour. Le remarquez-vous aussi ?
Zhong Xu: « Plus intelligents ? Peut-être. Nous devancer ? Je ne pense pas. Réussir dans la vie requiert bien plus qu'un QI élevé. Les gens d'un certain âge ont plus d'expérience de vie et sont donc plus résistants. Et oui, les jeunes d’aujourd’hui sont de nature plus digitale parce qu'ils ont grandi dans cet environnement. Mais ils n'ont parfois pas le caractère suffisant pour s'affirmer. C'est la génération de la satisfaction instantanée. Ils obtiennent instantanément ce qu'ils désirent. Ils ne se posent plus la question du ‘pourquoi’ et ne comprennent pas que certaines choses ne s'obtiennent pas tout de suite. Gravir les échelons dans une entreprise, par exemple. Ils s'étonnent de ne pas recevoir de promotion après six mois de travail. Ils sont plus exigeants. Ce qui est une bonne chose en soi. Mais il faut avoir une bonne raison de taper du poing sur la table. Et c'est souvent là que le bât blesse.
Nous sommes très protecteurs envers nos enfants. Nous ne répétons jamais assez à quel point ils sont exceptionnels. Par conséquent, ils ne se construisent pas de résistance. Puis ils entrent sur le marché du travail et partent du principe que, là aussi, tout leur réussira. Ce n'est qu'alors qu'ils se heurtent à un mur pour la première fois. Le choc est d’autant plus difficile à encaisser puisqu'ils n'en ont jamais fait l’expérience dans leur jeunesse. »
Quotient Émotionnel (Passion)
Quel est, selon vous, le « soft skill » le plus précieux ?
Zhong Xu: « La capacité à se mettre à la place de l'autre et ainsi de mieux comprendre ses intentions est essentielle d'après moi. Les gens sont souvent animés par des choses auxquelles on ne pense pas. C'est pourquoi il est important d'être empathique.
En fin de compte, nous aspirons tous surtout à créer des liens personnels. Qu'il s'agisse d'un client, d'un collaborateur ou d'un partenaire. Nous voulons développer des liens de camaraderie. L'idée de faire partie de quelque chose de bien plus grand que soi stimule les gens bien plus que l'argent ou le succès. »
Dans quelle mesure disposez-vous de cette compétence ?
Zhong Xu: « Une bonne dose d’empathie permet de créer plus facilement ce lien avec les autres. Aussi en tant que CEO. Écoutez les objectifs personnels de vos collaborateurs. Tentez d'aligner leurs ambitions et leurs attentes à celles de l'entreprise. Quels sont leurs objectifs ? Quels sont les objectifs de votre entreprise ? Établir ce lien est terriblement important. C'est même primordial si vous voulez impliquer vos collaborateurs. »
Comment vous décrireriez-vous en tant que supérieur hiérarchique ?
Zhong Xu: « Je ne suis pas une personne facile. J'ai des exigences élevées. Je repousse sans cesse les limites. Je conçois que ce ne soit pas toujours facile pour mes employés. Mais je ne fais cela qu'avec les employés dont je sais qu’ils ont les capacités de mettre la barre encore plus haut.
Cela a pour résultat qu’ils sortent de leur zone de confort et accomplissent des choses qu’ils n’auraient jamais osées. Voilà comment ça fonctionne. Une fois que vous osez dépasser une certaine limite, vous avez le sentiment de pouvoir faire face à d'autres situations. Parfois, il est bon de franchir cette barrière mentale. »
À quel point l'intelligence émotionnelle est-elle importante lors du recrutement de nouveaux talents ?
Zhong Xu: « En tant que nouveau talent, il est important d'adhérer à notre culture. On dit souvent que la culture l’emporte sur la stratégie, n’est-ce pas ? C'est bien le cas. Votre plan stratégique a beau être solide, il ne fonctionnera que si votre équipe partage la même culture. L'intelligence émotionnelle joue ici un rôle crucial parce qu’en tant que nouveau membre d’une équipe, vous devez rapidement avoir une idée de ce qui est autorisé et de ce qui ne l'est pas. L’objectif étant de s'adapter sans franchir de limites. Ce n'est pas toujours évident. »
Quotient Créatif (Innovation)
La créativité occupe-t-elle une place importante dans votre vie ?
Zhong Xu: « Je suis un entrepreneur. De nouvelles idées me viennent très souvent. La créativité est donc assez importante pour moi. Mais il est tout aussi important de mettre fin à ce foisonnement d'idées et d'agir. Chercher constamment de nouvelles idées peut finir par être destructeur. Choisir, c'est agir. Je rencontre souvent un tas de gens aux idées merveilleuses. Ils n'ont qu'à claquer des doigts pour avoir des idées. Mais très souvent, ces personnes ne parviennent pas à les concrétiser. »
Quelle est la condition indispensable pour continuer à innover en tant qu'entrepreneur ?
Zhong Xu: « Vivre avec son temps. Oser penser au futur. Percevoir la direction que va prendre le marché dans lequel vous travaillez. Et veiller à être prêt au bon moment. L'innovation viendra naturellement si vous réfléchissez à la façon dont le monde et le marché vont évoluer.
Le seul bémol est le timing, qui n'est jamais connu. Alors que ce paramètre est justement le plus important dans l'histoire de chaque entrepreneur. Jan et moi-même en avons déjà fait l'expérience par le passé. Notamment lorsque nous concevions des plateformes logicielles chez Siruna afin d'adapter des sites web au format mobile, comme celle du Blackberry. La filiale visionnaire s'est effondrée lorsque l'iPhone a fait son entrée sur le marché. Nous avons alors appris à quel point le timing était important. En raison d'un mauvais timing, notre première expérience entrepreneuriale a tourné au fiasco. »
Pensez-vous avoir adopté le bon timing en ce qui concerne Deliverect ?
Zhong Xu: « Lorsque les services de livraison à domicile ont commencé à émerger, le secteur de l'horeca a réagi avec incrédulité. Des livraisons à domicile ? C’était tout bonnement impensable. Mais nous y croyions. Et c'est à ce moment-là que Deliveroo et TakAway.com sont entrés en scène. Les restaurants qui leur ont fait confiance ont vu leur chiffre d'affaires augmenter de 20 à 30 %.
Et puis, le Covid est arrivé et tout s'est accéléré. Nous avions tablé sur un timing de cinq à dix ans. Il venait de se raccourcir à deux ans. Nous n'avions aucun contrôle sur ce paramètre. Nous n'avions rien demandé. Mais c'est bien arrivé. Et nous y étions préparés. Nous étions prêts à lancer Deliverect au bon moment. »
Travaillez-vous actuellement sur un projet en vue de répondre aux attentes de la société dans quelques années ?
Zhong Xu: « Nous nous préparons à un monde où il sera possible de commander quoi que ce soit à n'importe quelle heure et de n'importe quel endroit.
Je reste convaincu que le takeaway a encore de belles années devant lui. L'avenir, c'est l'alimentation à la demande. Vous voulez déguster une bonne bière ? N'attendez pas un quart d'heure et un livreur sonne à votre porte. Nous y sommes presque. À l'avenir, il sera possible d'effectuer une commande de n'importe où. Et les façons de passer cette commande seront illimitées. Avec notre plateforme, nous voulons être fin prêts. Nous en construisons déjà les fondations. »
Quotient d'Adversité (Résilience)
Comment gérez-vous les revers ? Quelle est votre capacité à encaisser les coups durs ?
Zhong Xu: « Entreprendre ne se fait pas du jour au lendemain. Nous sommes actifs depuis une vingtaine d'années. Nous avons connu des hauts, mais aussi beaucoup de bas. Heureusement, nous avons appris à nous en accommoder au fil du temps. Nous cultivons en quelque sorte une capacité à surmonter les difficultés. Sans bas, impossible de mesurer les hauts.
Le monde est en perpétuel mouvement. Accueillez ces changements. Partez du principe que rien n'est certain. Tentez de vous adapter. En tant qu'entrepreneur, il est essentiel de savoir rebondir. Celui qui n'abandonne pas finit toujours par réussir. Mes parents m'ont inculqué cette valeur dès mon plus jeune âge. »
Avez-vous été épargné par les coups durs de la vie ?
Zhong Xu: « Je suis un fils d'immigré. Nous sommes arrivés en Belgique lorsque j'avais cinq ans. Mes parents ont tout recommencé à zéro. C'était loin d'être évident. Ils ont dû reconstruire leur vie pour me permettre de faire des études.
De par mon passé, ma zone de confort est beaucoup plus vaste que celle des autres. Je n'ai pas besoin de beaucoup pour survivre. Ma capacité à surmonter des difficultés est également plus grande qu'une personne lambda. Lorsque l'on a vécu certaines choses dans la vie, nos limites sont différentes. On en devient plus fort. Si demain, je perds tout ce que je possède, je me remets simplement au travail. Et ce, en étant convaincu de pouvoir tout reconstruire en un an. »
Avez-vous des conseils à donner en cas de revers ?
Zhong Xu: « Je m'entoure de guides et de conseillers. Des personnes avec qui je peux faire le point. Cela aide, certainement lorsque l'on traverse une période plus difficile. Il est très important de pouvoir en parler. La présence d'un cofondateur à ses côtés est également une richesse en tant qu'entrepreneur. Les responsabilités sont partagées. Entourez-vous bien. Assurez-vous de ne pas être seul. »
La capacité à rebondir est-elle plus importante que jamais ?
Zhong Xu: « Sans hésitation. La vie est devenue beaucoup plus complexe. L'entrepreneuriat aussi. Il faut savoir encaisser les coups durs.
On dit souvent que les entrepreneurs n'étaient pas de bons élèves à l'école. Parfois sur le ton de la rigolade. Mais cette affirmation contient une part de vérité. Je n'étais moi-même pas un étudiant brillant. Mon parcours scolaire n'a pas vraiment été un long fleuve tranquille. Mais c'est précisément ce qui m'a appris à surmonter les coups durs et à avoir cette longueur d'avance dans ma vie d'entrepreneur. »
Qui est Zhong Xu?
Fils d'immigré, Zhong Xu avait cinq ans lorsque ses parents et lui ont quitté la ville de Shanghai pour venir s'installer à Gand. Son père était l'un des premiers étudiants chinois à passer un doctorat à l'Université de Gand. Pour gagner un peu d'argent, il travaillait en tant que laveur de vitres pour des restaurants chinois. Puisqu'il était ingénieur, les restaurants lui ont demandé d'améliorer leur système de caisse enregistreuse. C'est ainsi que le jeune Zhong Xu a atterri dans le secteur de l'horeca. Il aidait son père à dépanner les caisses, mais s'est également lancé dans la création de sites web pour des centaines de restaurants chinois, entretemps clients de son père.
Ses études de sciences informatiques à l'Université de Gand n'ont fait qu'attiser son envie d'entreprendre.
C'est alors qu'il a rencontré l'homme qui allait devenir son associé. Jan Hollez a supervisé sa thèse. L'entente entre les deux développeurs a été immédiate. Après ses études, Zhong Xu a pu rejoindre la filiale Siruna. On lui a attribué un bureau à côté de celui de Jan. Siruna développait des plateformes logicielles afin d'adapter des sites web au format mobile, comme celle du Blackberry. Malheureusement, la filiale visionnaire s'est effondrée lorsque l'iPhone a fait son entrée sur le marché.
Zhong Xu a alors décidé de mettre ses compétences au profit d'une multinationale. Il a débuté chez EVS, le spécialiste des enregistrements en direct, et a incité l'entreprise à engager Jan Hollez. Le duo a élaboré un système permettant de revisionner des images vidéo via le cloud. De gros clients tels que la Fédération internationale de football (FIFA) et la radio anglaise BBC l'ont utilisé.
Mais rapidement, Zhong Xu s'est lancé dans un autre projet plus ambitieux. En s'inspirant de l'entreprise de son père, il a voulu développer un système de caisse enregistreuse spécialement conçue pour les iPads, qui calculerait les additions, imprimerait les factures et transmettrait les commandes à la cuisine. Zhong Xu et Jan Hollez ont créé ce système de caisse enregistreuse et en ont programmé le logiciel. En 2011, ils ont fondé leur première entreprise dénommée Posios. Le nom est une contraction de « Point of sale » (Pos) et d'iOS (le système d'exploitation de l'iPhone). Posios a fait partie des premiers milliers d’applications à être disponibles dans l'App Store d'Apple.
Chaque jour, des centaines de questions affluaient dans la boîte e-mail de l'entreprise. À cette époque, les restaurants belges étaient tenus de mettre en œuvre un système de caisse blanche. Le moment était donc idéal.
Zhong Xu et Jan Hollez ont vendu leur start-up trois ans après sa création à l'entreprise canadienne Lightspeed, spécialisée dans les logiciels d'e-commerce. Zhong Xu avait repéré une nouvelle tendance : le passage du mode hors connexion au commerce en ligne qui touchait de nombreux magasins et révolutionnerait bientôt aussi le secteur de l'horeca.
En 2018, ils ont créés Deliverect, une contraction des termes anglais « delivery » et « connect ». L'entreprise développe un système logiciel qui intègre les commandes issues de différentes plateformes telles que Uber Eats ou Deliveroo. Les restaurants peuvent ainsi augmenter considérablement leur chiffre d'affaires et éviter les erreurs dans les commandes. La multinationale Unilever a été l'un des premiers clients de Deliverect. Grâce à cette plateforme, il a été possible de commander des glaces Ben & Jerry's dans toutes les villes du monde.
Un nouvel élan est donné en 2020, lorsque la pandémie de coronavirus éclate. Dans le monde entier, les gens se mettent à commander des repas à livrer, tandis que les restaurants proposent des plats à emporter pour survivre. De nombreuses grandes chaînes telles que KFC, Le Pain Quotidien et Burger King ont besoin du logiciel gantois.
En l'espace d'un an, l'effectif de Deliverect a quadruplé pour atteindre 200 personnes. Deliverect possède aujourd'hui dix bureaux dans le monde. L'entreprise se félicite d'avoir traité plus de 30 millions de commandes, pour une valeur d'un milliard d'euros. En tant que CEO, Zhong Xu est le visage de Deliverect, mais il forme toujours un duo exceptionnel avec Jan Hollez. Ils sont amis, collègues, partenaires d'affaires et font à présent aussi partie de la même famille. Jan Hollez s'est marié avec la cousine de Zhong Xu. »